Palestine meurtrie
Eclairages sur une cause en détresse 1997 - 2005
Un livre de Paul Berthoud
174 pages, CHF 32.00

Paul Berthoud présente dans ce livre une analyse à chaud de l'évolution et des perspectives de règlement du conflit qui déchire le Proche-Orient.
Au cours de neuf années, il a consigné au gré des jours ses réflexions et ses réactions aux événements qui ont jalonné un processus dont on ne peut percevoir l'issue: les Accords d'Oslo, les négociations de Camp David II, la Feuille de route, l'Initiative de Genève, l'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice, la mort d'Arafat, le désengagement de Gaza.
Replaçant ces moments forts dans le contexte général de la question de la Palestine, Il évoque le rôle premier, la responsabilité centrale et la marginalisation progressive des Nations Unies dans la recherche de la paix.
Se référant au cadre juridique de la communauté internationale, il trace l'insidieuse réalité du terrain dans les territoires occupés, dont les effets sont encore largement sous-estimés dans l'opinion mais qui scelle les éléments d'un désastre programmé.
L'auteur a occupé pendant deux ans à Jérusalem le poste de Conseiller juridique de l'Organisme des Nations Unies pour la Surveillance de la Trêve en Palestine.
Il n'a jamais cessé depuis lors de suivre attentivement la situation dans la région.
On trouvera ci-dessous quelques extraits de son livre.

Le livre est distribué par:
Librairie l'Olivier
5 Rue de Fribourg, CH-1201 Genève, Suisse
Tel. +41 22 731 84 40


www.edinter.net/palestinemeurtrie

 

Ci-dessous quelques extraits choisis du livre:

Vous pouvez aussi lire, décharger et imprimer le contenu de cette page en PDF en suivant ce lien
(PDF, 28Ko, 6 pages)

De l'Avant-Propos
Le plan de partage de 1947
Le piège d'Oslo
Les négociations de Camp David II
Les colonies de peuplement
Le Proche-Orient à l'état sauvage
La Feuille de route
Violence et terrorisme
L'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice
L'Initiative de Genève
Yasser Arafat

De l'Avant-Propos
Que soit claire la portée de mon entreprise. Un ami israélien auquel j'ai envoyé plusieurs de mes textes m'a reproché ce qu'il considérait comme un manque d'équilibre dans mes analyses : le point de vue israélien en était absent ! J'ai dû lui expliquer, comme je le fais ici, quel était mon propos. D'autres sont beaucoup plus qualifiés que moi pour présenter la position d'Israël, comme du reste celle des Palestiniens, dans le conflit du Proche-Orient, et ils ne manquent pas de le faire. Il ne s'est jamais agi pour moi d'établir un bilan des prétentions, des demandes ou des assertions de l'une et l'autre des parties. Mon objectif a été d'analyser le conflit à l'aune du cadre dans lequel la communauté internationale l'a placé dès son origine, à savoir l'Organisation des Nations Unies. Il y a une raison très personnelle pour qu'il en soit allé ainsi : j'ai occupé pendant deux ans, en 1958 et 1959, le poste de conseiller juridique de l'Organisme des Nations Unies pour la Surveillance de la Trêve en Palestine. L'Etat hébreu avait été alors reçu Membre des Nations Unies sur la base des lignes tracées par les Accords d'Armistice négociés en 1949, tandis que le front du refus arabe n'avait encore rien perdu de sa virulence. Mission difficile, parfois périlleuse, tout notre engagement consistait à assurer le respect de la reconnaissance internationale de ces lignes comme frontières du nouvel Etat, expression achevée du partage de la Palestine mandataire décidé par les Nations Unies en 1947. La guerre des six-jours survenant quelques années plus tard n'a pas altéré cette position. Affirmant à ce propos l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par la guerre, le Conseil de Sécurité a réitéré en 1967 l'attachement de la communauté internationale au respect de ces frontières et au principe du partage de la terre de la Palestine mandataire entre deux Etats.

Le plan de partage de 1947
Il est souvent fait état, dans la discussion sur la question de la Palestine, du fait que les Juifs ont accepté en 1947 le plan de partage des Nations Unies alors que les Arabes l'ont rejeté. On souligne, à la lumière de l'évolution ultérieure de la situation sur le terrain, l'erreur de calcul monumentale qu'a représenté ce rejet du point de vue des intérêts de la population arabe de Palestine. Plus important, il se dégage de l'acceptation du plan par l'une des parties et de son rejet par l'autre un préjugé favorable à l'Etat d'Israël, préjugé qui subsiste souvent et tend à excuser les excès de la politique ultérieure de cet Etat.

Présenter ce choix offert en 1947 aux parties en conflit comme une option raisonnable acceptée par l'une et rejetée par l'autre méconnaît la situation réelle des protagonistes. C'est mettre sur pied d'égalité des parties qui se trouvaient dans une situation totalement asymétrique ; un choix offert d'une part à celui à qui l'on donne et d'autre part à celui de qui l'on prend, et attendre de l'un et de l'autre qu'ils agissent selon la même rationalité. En assurant la création d'un Etat d'Israël, le plan de partage était pour le mouvement sioniste une percée décisive dans la poursuite de son objectif fondamental, une réponse positive de la communauté internationale à une aspiration et à un espoir longtemps entretenus. En spoliant la communauté arabe d'une partie du territoire de la Palestine pour créer l'Etat d'Israël, ce même plan de partage était pour les Arabes une mesure injuste, injustifiable et intolérable qui faisait fi de la légitimité à la possession d'un territoire acquise par de nombreux siècles de présence pacifique.

Le piège d'Oslo
L'autonomie que le présent Gouvernement israélien paraît disposé à concéder aux Palestiniens sera caractérisée par une séparation créant un statut d'apartheid. Une déclaration formelle d'indépendance concédée par un futur Gouvernement ne sera pas suffisante pour donner corps d'Etat à une entité enclavée dans Israël et privée de cohérence géographique, de viabilité économique, de la maîtrise de ses ressources en eau, de libre circulation internationale pour ses ressortissants, de frontière commune avec tout Etat tiers, de politique étrangère, d'armée et d'autonomie en matière policière. Tel est le résultat vers lequel tendent les négociations menées dans le cadre des Accords d'Oslo, et malgré la rhétorique de la direction politique de l'Autorité palestinienne, on ne peut s'empêcher de penser que celle-ci est résignée à ce qu'il en aille finalement ainsi. Mais peut-on imaginer que cette solution sera acceptable pour l'ensemble de la population palestinienne ? La dérision au plan politique de cette caricature d'Etat, la lourde dépendance économique et le spectre de l'effondrement économique et social total du territoire, ne permettent pas d'espérer que cessera une révolte nourrie de l'humiliation et de la misère ainsi que le cycle infernal de violence, de répression et de terrorisme qui s'en suivra.

C'est le piège d'Oslo, refermé sur les Palestiniens : le processus engendré par les Accords d'Oslo étant légitimé par son acceptation par les deux parties, il est présenté et perçu en Occident comme une solution raisonnable pour la construction de la paix. La poursuite de la résistance par les Palestiniens sera donc dénoncée comme une attitude déraisonnable de leur part, et ce sont eux qui seront blâmés pour les conséquences destructives de ces Accords. On invoquera le processus d'Oslo comme preuve que les Palestiniens ont rejeté la cause de la paix, et on les tiendra pour responsables de l'échec du processus de paix. Alors qu'en fait, ce sont les Accords d'Oslo qui ont abandonné les Palestiniens en leur retirant le filet de sûreté de la communauté internationale et en les plaçant à la merci de leur voisin prédateur. Ce n'est qu'en reconnaissant l'incapacité d'Oslo à assurer la paix pour les Palestiniens qu'on pourra comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent déchirés.

Les négociations de Camp David II

La notion que les Palestiniens se sont vu offrir à Camp David une véritable formule d'indépendance n'est qu'une fiction. Seule une référence abstraite à des pourcentages de territoire sans rapport avec la réalité sur le terrain peut créer l'illusion que l'offre israélienne a représenté la base d'un Etat viable. Les saillants d'Ariel, de Maale Adumim et de Gush Etzion, qui devaient laisser en territoire annexé par Israël le 80 pour cent de la population des colonies de peuplement, privaient de continuité les éléments constituant l'entité palestinienne. Ils rendaient impossible l'établissement d'une entité territoriale cohérente dans la partie ainsi restituée aux Palestiniens. Le nouvel Etat devait consister en un nombre d'enclaves discontinues séparées par des routes de contournement israéliennes, sans contrôle de ses frontières, de ses ressources en eau et de son espace aérien.

Autre concession israélienne, nous dit-on, le partage de Jérusalem. En fait la manipulation de Jérusalem est un élément clé de la spoliation par Israël du territoire dévolu par les Accords d'Armistice à la partie arabe. Alors que Jérusalem-Est sous contrôle jordanien comptait avant 1967 une superficie de 6,5 kilomètres carrés, les Israéliens ont décuplé cette zone et l'ont portée à 70 kilomètres carrés, y incorporant 28 villages arabes de Cisjordanie, avant de la proclamer partie de la capitale historique indivisible et éternelle de l'Etat hébreu. L'offre de restitution aux Palestiniens de l'administration locale de certains segments de ce Grand Jérusalem artificiellement créé après 1967 n'avait que l'apparence d'une concession majeure. Elle laissait intacte l'implantation à Jérusalem-Est d'une importante colonisation juive résultant de l'expropriation de terres, de la construction de colonies et de la création de zones vertes. Les " quartiers arabes " ne visaient qu'un nombre de communautés locales épargnées par les démolitions et l'épuration ethnique administrative, certaines d'entre elles physiquement isolées du territoire palestinien par des colonies juives.

Les colonies de peuplement

On ne peut que constater le succès d'Israël dans sa détermination à poursuivre sa politique d'appropriation de terre arabe et dans sa capacité à occulter l'importance de cette politique néfaste en mettant en relief devant l'opinion internationale le problème de sa sécurité. Les partisans inconditionnels de la politique israélienne restent eux aussi le plus souvent silencieux sur la question des colonies de peuplement. Ils se concentrent sur les problèmes de sécurité, sans les lier à l'occupation illégale répressive qui est leur cause principale. Ils refusent l'évidence des blessures causées par la supériorité brutale de l'Etat hébreu dans une confrontation avec la population palestinienne qui dure depuis plus de trente ans. Ils évoquent souvent le passé pour ne pas avoir à faire face à l'avenir : le refus du partage par les Arabes en 1947, les trois " non " de Khartoum en 1967. C'est en renouvelant en 2001 son offre de 1967 d'échanger les territoires contre la paix, qu'Israël pourrait ouvrir la voie au règlement du conflit. Mais le plus des trois-quarts du territoire de la Palestine mandataire qui lui ont été attribués en 1949 lui suffisent-ils encore? Le partage entre deux Etats souverains et égaux est-il encore une option pour Israël? C'est pourtant la seule solution qui puisse laisser espérer le retour de la paix au Proche-Orient, et quoiqu'en pense Ariel Sharon, qui puisse assurer au long terme l'existence de l'Etat hébreu….

La politique d'implantation de colonies de peuplement poursuivie sans relâche par tous les Gouvernements successifs de l'Etat hébreu a profondément affecté le cours des événements dans l'évolution du conflit. Pour les Palestiniens, la spoliation de la terre due à la multiplication des colonies et aux mesures prises pour assurer leur accessibilité représente le symbole même de l'érosion de toute souveraineté viable sur le territoire dans lequel ils aspirent à créer leur Etat. Pour Israël, les colonies ont eu un effet de distorsion pervers dans le projet d'épanouissement de l'Etat créé en 1948. Tout l'effort du Gouvernement israélien dans les territoires occupés a été dirigé depuis 1967 vers l'expansion et la sécurité des colonies, au détriment de toute initiative tendant à développer des rapports de coexistence acceptables avec ses voisins palestiniens.

Le Proche-Orient à l'état sauvage

A l'heure actuelle, la situation au Proche-Orient ne fait l'objet dans la presse mondiale que d'une attention événementielle, lors d'une déclaration du Président des Etats-Unis, lors d'une visite à Jérusalem ou à Ramallah d'un dignitaire ministériel européen, lors d'une opération militaire majeure dans un camp de réfugiés, lors d'un attentat-suicide particulièrement meurtrier et la réaction musclée qu'il provoque, lors de l'assassinat ciblé d'un suspect par le largage d'une bombe d'une tonne dans un quartier résidentiel, ou encore lors d'un anniversaire de l'Intifada. En dehors de ces moments forts, la situation sur le terrain n'est évoquée la plupart du temps que dans la routine des affrontements quotidiens et l'égrenage du nombre de morts, et l'enjeu et les perspectives du conflit sont largement passés sous silence. Tant le plan de paix saoudien du printemps que l'initiative danoise de l'été sont au point mort. Le pourrissement de la situation est évident, et les espoirs qu'on entend parfois évoquer de la reprise d'un processus de paix ne sont que sporadiques.

Tel est le sort d'un conflit laissé à l'abandon par la communauté internationale et ramené au rapport de forces entre vainqueur et vaincu. L'évocation du rôle que pourraient jouer dans ce conflit une force internationale d'interposition, ou tout au moins une mission internationale d'observation, s'est heurtée jusqu'ici à un refus catégorique de la part d'Israël, avec le soutien sans faille de son allié stratégique américain. Il est naturel que le fort qui malmène le faible préfère être laissé libre de le faire sans interférence plutôt que de voir un tiers s'en mêler. Ce refus assure à l'Etat hébreu la possibilité de poursuivre l'anéantissement de l'Autorité palestinienne et sa politique du fait accompli pour s'assurer le contrôle des territoires occupés en violation flagrante des Conventions de Genève et des résolutions des Nations Unies.

La Feuille de route
Le document reflète largement la détermination de l'Etat hébreu à dicter les conditions du processus de paix. Il confirme la marginalisation du Président démocratiquement élu de l'Autorité palestinienne et le remodelage des institutions palestiniennes exigés par Israël. Il donne la priorité absolue au problème de la sécurité et du contrôle de la violence. Il endosse la préférence israélienne constamment manifestée pour le maintien d'arrangements intérimaires et le renvoi à une phase ultime du processus l'examen des questions fondamentales pour l'établissement de la paix. Ses dispositions pour le suivi international de sa mise en œuvre, enfin, préservent pleinement l'interface direct entre les parties voulu par Israël et n'envisagent nullement le déploiement sur le terrain d'une force militaire d'observation ou d'interposition comme le demandent les Palestiniens….

Présentant un calendrier mais indiquant clairement que les parties doivent remplir certaines conditions avant qu'on passe à la phase suivante, la Feuille de route met dans toute la première phase du processus le poids de l'effort essentiellement sur les Palestiniens. On attend d'eux qu'ils fassent cesser complètement la violence et démantèlent son infrastructure, qu'ils exhibent plus de démocratie, de meilleurs dirigeants et de meilleures institutions, moyennant quoi on reviendra à la situation qui prévalait en 2000 avant le début de l'intifada Al Aqsa. Cette approche n'est pas celle d'un plan de paix, mais d'un plan de pacification. Elle érige en condition liminaire du processus le désarmement complet des organisations de résistance palestiniennes en évitant de mettre simultanément en mouvement un processus politique visant l'obstacle fondamental à la paix, à savoir l'occupation et les colonies de peuplement qui sous-tendent cette occupation. L'impasse qui en résultera est prévisible. La Feuille de route visualise un Etat palestinien, mais ne fournit pas les moyens de rendre cet objectif réalisable.

Violence et terrorisme
Israël croit aujourd'hui pouvoir extirper le terrorisme en exigeant qu'avant toute reprise des négociations de paix, les Palestiniens fassent cesser complètement la violence et démantèlent l'infrastructure de la résistance armée. Cette position postule que le problème prioritaire sur le chemin de la paix est le comportement des Palestiniens, comme si leur violence avait surgi du néant. Une occupation de plus de 35 ans et la poursuite sans relâche de l'appropriation illégale de territoire par l'implantation de colonies de peuplement, en violation patente des injonctions des Nations Unies et de la Quatrième Convention de Genève, sont relégués à la catégorie de problèmes à aborder plus tard. Alors que seul l'engagement simultané d'un processus menant à la reconnaissance des droits des Palestiniens pourra faire échec à la violence et au terrorisme.

Le terrorisme ne peut être vaincu qu'à l'intérieur de la communauté dans laquelle il germe. Si le peuple le soutient, le terroriste devient un combattant. Une stratégie politique à même de vaincre le terrorisme doit consister à assurer pour cette communauté un degré suffisant de justice pour permettre que le terrorisme ne soit plus considéré comme une forme de combat, et les extrémistes finissent par perdre le soutien qui nourrit leur violence.
Le blocage indéfini du processus de paix est ainsi programmé dans la mesure où les Israéliens continueront à refuser d'aborder de front le problème de l'occupation et de leur comportement prédateur dans les territoires occupés, et les Palestiniens persisteront à considérer que l'objectif prioritaire de toute négociation de paix doit être le respect du droit international, la fin de l'occupation et la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination.

L'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice
L'intensité du mépris qui caractérise la réaction d'Israël à l'avis de la Cour devrait choquer venant de la part d'un Etat qui voudrait être considéré comme un membre " normal " à part entière de la communauté internationale. Sans s'attarder sur la grossièreté du propos du porte-parole du Premier Ministre déclarant que l'avis de la Cour trouvera sa place dans la poubelle de l'histoire, on ne peut que prendre note avec regret de l'assurance arrogante avec laquelle Israël choisit de défier l'autorité de l'organe qui a été chargé par l'ensemble des nations de dire le droit. Le développement d'une justice internationale fait partie de l'héritage que nous a laissé le Vingtième Siècle, et si imparfait que soit encore aujourd'hui son mécanisme, la Cour internationale de justice représente un acquis de notre civilisation. On a fort peu parlé à propos de son récent avis consultatif de la composition de la Cour, pour laquelle les Etats présentent invariablement comme candidats au poste de juge les plus brillants de leurs spécialistes en droit international. A l'heure actuelle, on compte parmi les quinze membres six juges issus de pays européens, un des Etats-Unis et un du Japon, deux de pays de l'Amérique latine, deux de pays africains, deux de pays arabes et un de Chine. Tout en reflétant des apports de systèmes juridiques divers, la Cour reste donc largement dominée par la pensée juridique occidentale, et la désinvolture avec laquelle le Gouvernement israélien écarte ses conclusions adoptées par 14 des 15 juges n'en est que plus blessante. Le fait qu'Israël partage son isolement en cette matière avec les Etats-Unis lui assure une impunité qui ne masque pas l'indignité de sa position.

L'Initiative de Genève
Dans le marasme du blocage de la Feuille de Route, le lancement à la fin de l'année 2003 de l'Initiative de Genève pour le règlement du conflit israélo-palestinien a eu un retentissement considérable. L'accueil en a été contrasté, du rejet absolu de la part du Gouvernement d'Israël d'une initiative privée manquant à ses yeux d'une quelconque légitimité, à l'enthousiasme de nombreux éléments de la société civile internationale anxieux de voir enfin poindre à l'horizon un espoir de paix. La question de la portée d'une initiative n'émanant que de particuliers n'ayant aucun mandat pour négocier a été largement débattue. Les mois qui ont suivi n'ont pas vu poindre une dynamique permettant d'espérer que l'Initiative de Genève entre dans le champ des perspectives de négociation de la paix, et on en est tôt venu à se demander si elle n'était pas destinée à un rapide oubli. Il n'en est pas moins vrai que l'élaboration d'un texte qui concrétisait le rapprochement des positions des parties esquissé à Camp David et à Taba offre un intérêt historique et potentiel exceptionnel, et il est utile de s'y arrêter un moment.

Les paramètres des propositions de l'Initiative de Genève ont été largement diffusés et sont bien connus. Il est révélateur qu'ils aient été présentés en se référant à la Résolution 242 du Conseil de Sécurité, c'est-à-dire à la formule de règlement invoquée dès 1967 par les Nations Unies. Cette référence met en évidence à la fois l'incapacité dans laquelle s'est trouvée jusqu'ici la communauté internationale de faire appliquer les décisions qu'elle a prises, et la validité intrinsèque du règlement alors proposé. Ceux qui n'ont pas cessé de vouloir croire à la justesse des injonctions du Conseil de Sécurité ne peuvent cependant s'empêcher de ressentir une certaine frustration en face des atteintes que l'Initiative de Genève porte à leur sens de l'équité et du respect du droit. En particulier, les concessions territoriales faites à Israël le long de la ligne verte en Cisjordanie, ainsi que pour les saillants de Maale Adumim et de Gush Etzion et les quartiers juifs de Jérusalem-Est, récompensent une violation patente et constante du droit international par le Gouvernement israélien. La compensation offerte à l'Etat de Palestine sous forme d'un échange de territoire ne peut entièrement effacer le sentiment d'échec et d'iniquité que suscite cette proposition.

Et pourtant, il est important de reconnaître que le profil de la solution proposée par l'Initiative de Genève représente probablement la meilleure approximation à la formule de 1967 à laquelle il soit possible d'aspirer à la suite des circonstances qui ont marqué la région et le monde au cours des quarante dernières années. La supériorité militaire d'Israël, l'incapacité des Etats arabes vaincus d'offrir aux Palestiniens un soutien significatif, l'engagement sans faille des Etats-Unis aux côtés de l'Etat hébreu, la marginalisation des Nations Unies, ont relégué à l'arrière-plan les principes de justice, d'équité et de respect du droit international. Aujourd'hui, l'impasse durable ainsi créée au sujet de la viabilité de ces principes, et d'autre part la dimension extraordinaire de la souffrance humaine de la société palestinienne et le danger réel d'anéantissement de sa texture, nous forcent à nous demander si le moment n'est pas venu de renoncer à l'équitable pour se concentrer sur l'acceptable. Si tel est le cas, l'Initiative de Genève ouvre un espace de cheminement vers la paix.

Yasser Arafat
Arafat, dont la carrière a été largement évoquée à l'occasion de sa maladie et de son décès, a déjà fait de son vivant l'objet de nombreuses analyses, parmi lesquelles se détache la biographie monumentale que lui a consacré le journaliste et historien israélien Amnon Kapeliouk. Les jalons principaux de cette carrière sont bien connus. Paradoxalement, la variété extrême des situations dans lesquelles il s'est trouvé et le chaos tumultueux d'une survie jamais prévisible ni prévue, n'ont été que l'expression d'un objectif constant et immuable, à savoir la création de l'Etat de Palestine. Fedayine engagé dans des opérations de guérilla, fédérateur de la résistance palestinienne, passant d'un exil à l'autre en Jordanie, au Liban puis à Tunis, orateur par deux fois devant l'Assemblée générale des Nations Unies, honoré avec Rabin du Prix Nobel de la Paix, élu Président de l'Autorité palestinienne, vilipendé et humilié dans sa dernière résidence, Arafat n'a jamais cessé de poursuivre obstinément l'objectif qu'il s'était fixé de voir la nation palestinienne émerger en qualité d'Etat de la confrontation qui ravage la région…

La détermination d'Israël a éviter toute négociation sur la question du statut final de la question de la Palestine n'a pas permis à Arafat de mettre à l'épreuve sa capacité à conclure la paix avec l'Etat hébreu. L'ostracisme dont il a été l'objet a facilité le blocage du dialogue entre les parties, et l'émergence d'un nouveau leader de la cause palestinienne créera à cet égard une situation nouvelle pour le Gouvernement israélien.

 

Le livre Palestine meurtrie de Paul Berthoud est distribué par

Librairie l'Olivier
5 Rue de Fribourg, CH-1201 Genève
Tel. +41 22 731 84 40