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De
l'Avant-Propos
Le plan de partage de 1947
Le piège d'Oslo
Les négociations de Camp David II
Les colonies de peuplement
Le Proche-Orient à l'état sauvage
La Feuille de route
Violence et terrorisme
L'Avis consultatif de la Cour internationale de Justice
L'Initiative de Genève
Yasser Arafat
De l'Avant-Propos
Que soit claire la portée de mon entreprise. Un ami israélien
auquel j'ai envoyé plusieurs de mes textes m'a reproché
ce qu'il considérait comme un manque d'équilibre dans mes
analyses : le point de vue israélien en était absent ! J'ai
dû lui expliquer, comme je le fais ici, quel était mon propos.
D'autres sont beaucoup plus qualifiés que moi pour présenter
la position d'Israël, comme du reste celle des Palestiniens, dans
le conflit du Proche-Orient, et ils ne manquent pas de le faire. Il ne
s'est jamais agi pour moi d'établir un bilan des prétentions,
des demandes ou des assertions de l'une et l'autre des parties. Mon objectif
a été d'analyser le conflit à l'aune du cadre dans
lequel la communauté internationale l'a placé dès
son origine, à savoir l'Organisation des Nations Unies. Il y a
une raison très personnelle pour qu'il en soit allé ainsi
: j'ai occupé pendant deux ans, en 1958 et 1959, le poste de conseiller
juridique de l'Organisme des Nations Unies pour la Surveillance de la
Trêve en Palestine. L'Etat hébreu avait été
alors reçu Membre des Nations Unies sur la base des lignes tracées
par les Accords d'Armistice négociés en 1949, tandis que
le front du refus arabe n'avait encore rien perdu de sa virulence. Mission
difficile, parfois périlleuse, tout notre engagement consistait
à assurer le respect de la reconnaissance internationale de ces
lignes comme frontières du nouvel Etat, expression achevée
du partage de la Palestine mandataire décidé par les Nations
Unies en 1947. La guerre des six-jours survenant quelques années
plus tard n'a pas altéré cette position. Affirmant à
ce propos l'inadmissibilité de l'acquisition de territoire par
la guerre, le Conseil de Sécurité a réitéré
en 1967 l'attachement de la communauté internationale au respect
de ces frontières et au principe du partage de la terre de la Palestine
mandataire entre deux Etats.
Le plan
de partage de 1947
Il est souvent fait état, dans la discussion sur la question de
la Palestine, du fait que les Juifs ont accepté en 1947 le plan
de partage des Nations Unies alors que les Arabes l'ont rejeté.
On souligne, à la lumière de l'évolution ultérieure
de la situation sur le terrain, l'erreur de calcul monumentale qu'a représenté
ce rejet du point de vue des intérêts de la population arabe
de Palestine. Plus important, il se dégage de l'acceptation du
plan par l'une des parties et de son rejet par l'autre un préjugé
favorable à l'Etat d'Israël, préjugé qui subsiste
souvent et tend à excuser les excès de la politique ultérieure
de cet Etat.
Présenter
ce choix offert en 1947 aux parties en conflit comme une option raisonnable
acceptée par l'une et rejetée par l'autre méconnaît
la situation réelle des protagonistes. C'est mettre sur pied d'égalité
des parties qui se trouvaient dans une situation totalement asymétrique
; un choix offert d'une part à celui à qui l'on donne et
d'autre part à celui de qui l'on prend, et attendre de l'un et
de l'autre qu'ils agissent selon la même rationalité. En
assurant la création d'un Etat d'Israël, le plan de partage
était pour le mouvement sioniste une percée décisive
dans la poursuite de son objectif fondamental, une réponse positive
de la communauté internationale à une aspiration et à
un espoir longtemps entretenus. En spoliant la communauté arabe
d'une partie du territoire de la Palestine pour créer l'Etat d'Israël,
ce même plan de partage était pour les Arabes une mesure
injuste, injustifiable et intolérable qui faisait fi de la légitimité
à la possession d'un territoire acquise par de nombreux siècles
de présence pacifique.
Le piège
d'Oslo
L'autonomie que le présent Gouvernement israélien paraît
disposé à concéder aux Palestiniens sera caractérisée
par une séparation créant un statut d'apartheid. Une déclaration
formelle d'indépendance concédée par un futur Gouvernement
ne sera pas suffisante pour donner corps d'Etat à une entité
enclavée dans Israël et privée de cohérence
géographique, de viabilité économique, de la maîtrise
de ses ressources en eau, de libre circulation internationale pour ses
ressortissants, de frontière commune avec tout Etat tiers, de politique
étrangère, d'armée et d'autonomie en matière
policière. Tel est le résultat vers lequel tendent les négociations
menées dans le cadre des Accords d'Oslo, et malgré la rhétorique
de la direction politique de l'Autorité palestinienne, on ne peut
s'empêcher de penser que celle-ci est résignée à
ce qu'il en aille finalement ainsi. Mais peut-on imaginer que cette solution
sera acceptable pour l'ensemble de la population palestinienne ? La dérision
au plan politique de cette caricature d'Etat, la lourde dépendance
économique et le spectre de l'effondrement économique et
social total du territoire, ne permettent pas d'espérer que cessera
une révolte nourrie de l'humiliation et de la misère ainsi
que le cycle infernal de violence, de répression et de terrorisme
qui s'en suivra.
C'est le piège
d'Oslo, refermé sur les Palestiniens : le processus engendré
par les Accords d'Oslo étant légitimé par son acceptation
par les deux parties, il est présenté et perçu en
Occident comme une solution raisonnable pour la construction de la paix.
La poursuite de la résistance par les Palestiniens sera donc dénoncée
comme une attitude déraisonnable de leur part, et ce sont eux qui
seront blâmés pour les conséquences destructives de
ces Accords. On invoquera le processus d'Oslo comme preuve que les Palestiniens
ont rejeté la cause de la paix, et on les tiendra pour responsables
de l'échec du processus de paix. Alors qu'en fait, ce sont les
Accords d'Oslo qui ont abandonné les Palestiniens en leur retirant
le filet de sûreté de la communauté internationale
et en les plaçant à la merci de leur voisin prédateur.
Ce n'est qu'en reconnaissant l'incapacité d'Oslo à assurer
la paix pour les Palestiniens qu'on pourra comprendre la situation dans
laquelle ils se trouvent déchirés.
Les négociations de Camp David II
La notion que les Palestiniens se sont vu offrir à Camp David une
véritable formule d'indépendance n'est qu'une fiction. Seule
une référence abstraite à des pourcentages de territoire
sans rapport avec la réalité sur le terrain peut créer
l'illusion que l'offre israélienne a représenté la
base d'un Etat viable. Les saillants d'Ariel, de Maale Adumim et de Gush
Etzion, qui devaient laisser en territoire annexé par Israël
le 80 pour cent de la population des colonies de peuplement, privaient
de continuité les éléments constituant l'entité
palestinienne. Ils rendaient impossible l'établissement d'une entité
territoriale cohérente dans la partie ainsi restituée aux
Palestiniens. Le nouvel Etat devait consister en un nombre d'enclaves
discontinues séparées par des routes de contournement israéliennes,
sans contrôle de ses frontières, de ses ressources en eau
et de son espace aérien.
Autre concession
israélienne, nous dit-on, le partage de Jérusalem. En fait
la manipulation de Jérusalem est un élément clé
de la spoliation par Israël du territoire dévolu par les Accords
d'Armistice à la partie arabe. Alors que Jérusalem-Est sous
contrôle jordanien comptait avant 1967 une superficie de 6,5 kilomètres
carrés, les Israéliens ont décuplé cette zone
et l'ont portée à 70 kilomètres carrés, y
incorporant 28 villages arabes de Cisjordanie, avant de la proclamer partie
de la capitale historique indivisible et éternelle de l'Etat hébreu.
L'offre de restitution aux Palestiniens de l'administration locale de
certains segments de ce Grand Jérusalem artificiellement créé
après 1967 n'avait que l'apparence d'une concession majeure. Elle
laissait intacte l'implantation à Jérusalem-Est d'une importante
colonisation juive résultant de l'expropriation de terres, de la
construction de colonies et de la création de zones vertes. Les
" quartiers arabes " ne visaient qu'un nombre de communautés
locales épargnées par les démolitions et l'épuration
ethnique administrative, certaines d'entre elles physiquement isolées
du territoire palestinien par des colonies juives.
Les colonies de peuplement
On ne peut que constater le succès d'Israël dans sa détermination
à poursuivre sa politique d'appropriation de terre arabe et dans
sa capacité à occulter l'importance de cette politique néfaste
en mettant en relief devant l'opinion internationale le problème
de sa sécurité. Les partisans inconditionnels de la politique
israélienne restent eux aussi le plus souvent silencieux sur la
question des colonies de peuplement. Ils se concentrent sur les problèmes
de sécurité, sans les lier à l'occupation illégale
répressive qui est leur cause principale. Ils refusent l'évidence
des blessures causées par la supériorité brutale
de l'Etat hébreu dans une confrontation avec la population palestinienne
qui dure depuis plus de trente ans. Ils évoquent souvent le passé
pour ne pas avoir à faire face à l'avenir : le refus du
partage par les Arabes en 1947, les trois " non " de Khartoum
en 1967. C'est en renouvelant en 2001 son offre de 1967 d'échanger
les territoires contre la paix, qu'Israël pourrait ouvrir la voie
au règlement du conflit. Mais le plus des trois-quarts du territoire
de la Palestine mandataire qui lui ont été attribués
en 1949 lui suffisent-ils encore? Le partage entre deux Etats souverains
et égaux est-il encore une option pour Israël? C'est pourtant
la seule solution qui puisse laisser espérer le retour de la paix
au Proche-Orient, et quoiqu'en pense Ariel Sharon, qui puisse assurer
au long terme l'existence de l'Etat hébreu
.
La politique
d'implantation de colonies de peuplement poursuivie sans relâche
par tous les Gouvernements successifs de l'Etat hébreu a profondément
affecté le cours des événements dans l'évolution
du conflit. Pour les Palestiniens, la spoliation de la terre due à
la multiplication des colonies et aux mesures prises pour assurer leur
accessibilité représente le symbole même de l'érosion
de toute souveraineté viable sur le territoire dans lequel ils
aspirent à créer leur Etat. Pour Israël, les colonies
ont eu un effet de distorsion pervers dans le projet d'épanouissement
de l'Etat créé en 1948. Tout l'effort du Gouvernement israélien
dans les territoires occupés a été dirigé
depuis 1967 vers l'expansion et la sécurité des colonies,
au détriment de toute initiative tendant à développer
des rapports de coexistence acceptables avec ses voisins palestiniens.
Le Proche-Orient à l'état sauvage
A l'heure actuelle, la situation au Proche-Orient ne fait l'objet dans
la presse mondiale que d'une attention événementielle, lors
d'une déclaration du Président des Etats-Unis, lors d'une
visite à Jérusalem ou à Ramallah d'un dignitaire
ministériel européen, lors d'une opération militaire
majeure dans un camp de réfugiés, lors d'un attentat-suicide
particulièrement meurtrier et la réaction musclée
qu'il provoque, lors de l'assassinat ciblé d'un suspect par le
largage d'une bombe d'une tonne dans un quartier résidentiel, ou
encore lors d'un anniversaire de l'Intifada. En dehors de ces moments
forts, la situation sur le terrain n'est évoquée la plupart
du temps que dans la routine des affrontements quotidiens et l'égrenage
du nombre de morts, et l'enjeu et les perspectives du conflit sont largement
passés sous silence. Tant le plan de paix saoudien du printemps
que l'initiative danoise de l'été sont au point mort. Le
pourrissement de la situation est évident, et les espoirs qu'on
entend parfois évoquer de la reprise d'un processus de paix ne
sont que sporadiques.
Tel est le
sort d'un conflit laissé à l'abandon par la communauté
internationale et ramené au rapport de forces entre vainqueur et
vaincu. L'évocation du rôle que pourraient jouer dans ce
conflit une force internationale d'interposition, ou tout au moins une
mission internationale d'observation, s'est heurtée jusqu'ici à
un refus catégorique de la part d'Israël, avec le soutien
sans faille de son allié stratégique américain. Il
est naturel que le fort qui malmène le faible préfère
être laissé libre de le faire sans interférence plutôt
que de voir un tiers s'en mêler. Ce refus assure à l'Etat
hébreu la possibilité de poursuivre l'anéantissement
de l'Autorité palestinienne et sa politique du fait accompli pour
s'assurer le contrôle des territoires occupés en violation
flagrante des Conventions de Genève et des résolutions des
Nations Unies.
La Feuille de route
Le document reflète largement la détermination de l'Etat
hébreu à dicter les conditions du processus de paix. Il
confirme la marginalisation du Président démocratiquement
élu de l'Autorité palestinienne et le remodelage des institutions
palestiniennes exigés par Israël. Il donne la priorité
absolue au problème de la sécurité et du contrôle
de la violence. Il endosse la préférence israélienne
constamment manifestée pour le maintien d'arrangements intérimaires
et le renvoi à une phase ultime du processus l'examen des questions
fondamentales pour l'établissement de la paix. Ses dispositions
pour le suivi international de sa mise en uvre, enfin, préservent
pleinement l'interface direct entre les parties voulu par Israël
et n'envisagent nullement le déploiement sur le terrain d'une force
militaire d'observation ou d'interposition comme le demandent les Palestiniens
.
Présentant un calendrier mais indiquant clairement que les parties
doivent remplir certaines conditions avant qu'on passe à la phase
suivante, la Feuille de route met dans toute la première phase
du processus le poids de l'effort essentiellement sur les Palestiniens.
On attend d'eux qu'ils fassent cesser complètement la violence
et démantèlent son infrastructure, qu'ils exhibent plus
de démocratie, de meilleurs dirigeants et de meilleures institutions,
moyennant quoi on reviendra à la situation qui prévalait
en 2000 avant le début de l'intifada Al Aqsa. Cette approche n'est
pas celle d'un plan de paix, mais d'un plan de pacification. Elle érige
en condition liminaire du processus le désarmement complet des
organisations de résistance palestiniennes en évitant de
mettre simultanément en mouvement un processus politique visant
l'obstacle fondamental à la paix, à savoir l'occupation
et les colonies de peuplement qui sous-tendent cette occupation. L'impasse
qui en résultera est prévisible. La Feuille de route visualise
un Etat palestinien, mais ne fournit pas les moyens de rendre cet objectif
réalisable.
Violence et terrorisme
Israël croit aujourd'hui pouvoir extirper le terrorisme en exigeant
qu'avant toute reprise des négociations de paix, les Palestiniens
fassent cesser complètement la violence et démantèlent
l'infrastructure de la résistance armée. Cette position
postule que le problème prioritaire sur le chemin de la paix est
le comportement des Palestiniens, comme si leur violence avait surgi du
néant. Une occupation de plus de 35 ans et la poursuite sans relâche
de l'appropriation illégale de territoire par l'implantation de
colonies de peuplement, en violation patente des injonctions des Nations
Unies et de la Quatrième Convention de Genève, sont relégués
à la catégorie de problèmes à aborder plus
tard. Alors que seul l'engagement simultané d'un processus menant
à la reconnaissance des droits des Palestiniens pourra faire échec
à la violence et au terrorisme.
Le terrorisme
ne peut être vaincu qu'à l'intérieur de la communauté
dans laquelle il germe. Si le peuple le soutient, le terroriste devient
un combattant. Une stratégie politique à même de vaincre
le terrorisme doit consister à assurer pour cette communauté
un degré suffisant de justice pour permettre que le terrorisme
ne soit plus considéré comme une forme de combat, et les
extrémistes finissent par perdre le soutien qui nourrit leur violence.
Le blocage indéfini du processus de paix est ainsi programmé
dans la mesure où les Israéliens continueront à refuser
d'aborder de front le problème de l'occupation et de leur comportement
prédateur dans les territoires occupés, et les Palestiniens
persisteront à considérer que l'objectif prioritaire de
toute négociation de paix doit être le respect du droit international,
la fin de l'occupation et la reconnaissance de leur droit à l'autodétermination.
L'Avis consultatif
de la Cour internationale de Justice
L'intensité du mépris qui caractérise la réaction
d'Israël à l'avis de la Cour devrait choquer venant de la
part d'un Etat qui voudrait être considéré comme un
membre " normal " à part entière de la communauté
internationale. Sans s'attarder sur la grossièreté du propos
du porte-parole du Premier Ministre déclarant que l'avis de la
Cour trouvera sa place dans la poubelle de l'histoire, on ne peut que
prendre note avec regret de l'assurance arrogante avec laquelle Israël
choisit de défier l'autorité de l'organe qui a été
chargé par l'ensemble des nations de dire le droit. Le développement
d'une justice internationale fait partie de l'héritage que nous
a laissé le Vingtième Siècle, et si imparfait que
soit encore aujourd'hui son mécanisme, la Cour internationale de
justice représente un acquis de notre civilisation. On a fort peu
parlé à propos de son récent avis consultatif de
la composition de la Cour, pour laquelle les Etats présentent invariablement
comme candidats au poste de juge les plus brillants de leurs spécialistes
en droit international. A l'heure actuelle, on compte parmi les quinze
membres six juges issus de pays européens, un des Etats-Unis et
un du Japon, deux de pays de l'Amérique latine, deux de pays africains,
deux de pays arabes et un de Chine. Tout en reflétant des apports
de systèmes juridiques divers, la Cour reste donc largement dominée
par la pensée juridique occidentale, et la désinvolture
avec laquelle le Gouvernement israélien écarte ses conclusions
adoptées par 14 des 15 juges n'en est que plus blessante. Le fait
qu'Israël partage son isolement en cette matière avec les
Etats-Unis lui assure une impunité qui ne masque pas l'indignité
de sa position.
L'Initiative
de Genève
Dans le marasme du blocage de la Feuille de Route, le lancement à
la fin de l'année 2003 de l'Initiative de Genève pour le
règlement du conflit israélo-palestinien a eu un retentissement
considérable. L'accueil en a été contrasté,
du rejet absolu de la part du Gouvernement d'Israël d'une initiative
privée manquant à ses yeux d'une quelconque légitimité,
à l'enthousiasme de nombreux éléments de la société
civile internationale anxieux de voir enfin poindre à l'horizon
un espoir de paix. La question de la portée d'une initiative n'émanant
que de particuliers n'ayant aucun mandat pour négocier a été
largement débattue. Les mois qui ont suivi n'ont pas vu poindre
une dynamique permettant d'espérer que l'Initiative de Genève
entre dans le champ des perspectives de négociation de la paix,
et on en est tôt venu à se demander si elle n'était
pas destinée à un rapide oubli. Il n'en est pas moins vrai
que l'élaboration d'un texte qui concrétisait le rapprochement
des positions des parties esquissé à Camp David et à
Taba offre un intérêt historique et potentiel exceptionnel,
et il est utile de s'y arrêter un moment.
Les paramètres
des propositions de l'Initiative de Genève ont été
largement diffusés et sont bien connus. Il est révélateur
qu'ils aient été présentés en se référant
à la Résolution 242 du Conseil de Sécurité,
c'est-à-dire à la formule de règlement invoquée
dès 1967 par les Nations Unies. Cette référence met
en évidence à la fois l'incapacité dans laquelle
s'est trouvée jusqu'ici la communauté internationale de
faire appliquer les décisions qu'elle a prises, et la validité
intrinsèque du règlement alors proposé. Ceux qui
n'ont pas cessé de vouloir croire à la justesse des injonctions
du Conseil de Sécurité ne peuvent cependant s'empêcher
de ressentir une certaine frustration en face des atteintes que l'Initiative
de Genève porte à leur sens de l'équité et
du respect du droit. En particulier, les concessions territoriales faites
à Israël le long de la ligne verte en Cisjordanie, ainsi que
pour les saillants de Maale Adumim et de Gush Etzion et les quartiers
juifs de Jérusalem-Est, récompensent une violation patente
et constante du droit international par le Gouvernement israélien.
La compensation offerte à l'Etat de Palestine sous forme d'un échange
de territoire ne peut entièrement effacer le sentiment d'échec
et d'iniquité que suscite cette proposition.
Et pourtant,
il est important de reconnaître que le profil de la solution proposée
par l'Initiative de Genève représente probablement la meilleure
approximation à la formule de 1967 à laquelle il soit possible
d'aspirer à la suite des circonstances qui ont marqué la
région et le monde au cours des quarante dernières années.
La supériorité militaire d'Israël, l'incapacité
des Etats arabes vaincus d'offrir aux Palestiniens un soutien significatif,
l'engagement sans faille des Etats-Unis aux côtés de l'Etat
hébreu, la marginalisation des Nations Unies, ont relégué
à l'arrière-plan les principes de justice, d'équité
et de respect du droit international. Aujourd'hui, l'impasse durable ainsi
créée au sujet de la viabilité de ces principes,
et d'autre part la dimension extraordinaire de la souffrance humaine de
la société palestinienne et le danger réel d'anéantissement
de sa texture, nous forcent à nous demander si le moment n'est
pas venu de renoncer à l'équitable pour se concentrer sur
l'acceptable. Si tel est le cas, l'Initiative de Genève ouvre un
espace de cheminement vers la paix.
Yasser Arafat
Arafat, dont la carrière a été largement évoquée
à l'occasion de sa maladie et de son décès, a déjà
fait de son vivant l'objet de nombreuses analyses, parmi lesquelles se
détache la biographie monumentale que lui a consacré le
journaliste et historien israélien Amnon Kapeliouk. Les jalons
principaux de cette carrière sont bien connus. Paradoxalement,
la variété extrême des situations dans lesquelles
il s'est trouvé et le chaos tumultueux d'une survie jamais prévisible
ni prévue, n'ont été que l'expression d'un objectif
constant et immuable, à savoir la création de l'Etat de
Palestine. Fedayine engagé dans des opérations de guérilla,
fédérateur de la résistance palestinienne, passant
d'un exil à l'autre en Jordanie, au Liban puis à Tunis,
orateur par deux fois devant l'Assemblée générale
des Nations Unies, honoré avec Rabin du Prix Nobel de la Paix,
élu Président de l'Autorité palestinienne, vilipendé
et humilié dans sa dernière résidence, Arafat n'a
jamais cessé de poursuivre obstinément l'objectif qu'il
s'était fixé de voir la nation palestinienne émerger
en qualité d'Etat de la confrontation qui ravage la région
La détermination
d'Israël a éviter toute négociation sur la question
du statut final de la question de la Palestine n'a pas permis à
Arafat de mettre à l'épreuve sa capacité à
conclure la paix avec l'Etat hébreu. L'ostracisme dont il a été
l'objet a facilité le blocage du dialogue entre les parties, et
l'émergence d'un nouveau leader de la cause palestinienne créera
à cet égard une situation nouvelle pour le Gouvernement
israélien.
Le livre
Palestine meurtrie de Paul Berthoud est distribué par
Librairie l'Olivier
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