Ethnopoly aux Avanchets

Un témoignage à chaud


1 juin 2007, 9 heures du matin: 160 enfants se bousculent joyeusement devant le centre commercial de la cité des Avanchets entre les étals du marché du vendredi et la pluie menaçante. Il faut faire partir tous ces élèves de 5ème et 6ème primaire par groupes de 4, accompagné d'un adulte, à la découverte de la quarantaine de familles qui se sont portées volontaires pour faire connaître leur culture aux enfants du quartier. Où est mon groupe? Vous n'avez pas un stylo? Comment marche ce système de points? A qui dois-je téléphoner en cas de problème? Je dois partir à 10 heures, qui peut me remplacer? Malgré les nombreux petits couacs, le départ est donné: les groupes d'enfants partent, certains au pas de course, à l'assaut des barres d'immeubles bariolées. Ethnopoly aux Avanchets commence enfin.

Ce jeu grandeur nature déjà joué à Berne est une première en Suisse romande. Des familles se proposent d'accueillir durant 20 minutes un groupe de 4 enfants chez elles, et de leur poser des questions pour entamer un dialogue sur leurs cultures respectives. Le groupe reçoit à la fin de la visite de 1 à 3 points attribués par l'hôte: c'est plus la courtoisie et la curiosité que les connaissances qui sont appréciées. Les groupes allant vers les postes plus éloignés reçoivent des points supplémentaires. Un adulte accompagne le groupe et informe par téléphone la table centrale qui comptabilise les points et oriente le jeu. Ici cette famille suisse a préparé une dégustation de chocolat. Ailleurs ce sont des spécialités ghanéennes. Là-bas c'est l'importance du premier juin dans l'histoire de Genève que les enfants découvrent. Pourquoi parle-t-on l'anglais dans tant de pays? Comment l'espagnol s'est-il répandu de par le monde?

Les postes se suivent et chaque fois c'est un autre univers qui s'ouvre, plein d'attentions et de tendresse pour ces enfants curieux, mais jamais envahissants. Tous se montrent en effet très respectueux des foyers qu'ils pénètrent (« Madame, est-ce qu'on enlève les chaussures? »). Bref, à la pose de midi, le succès est déjà là, le miracle s'est produit: ça marche!

A 13 heures les enfants se lancent avec enthousiasme dans la deuxième manche, qui se termine deux heures plus tard. Dans la cohue et la joie, les enfants rejoignent leurs écoles avec leurs enseignants.

Mais la journée n'est pas pour autant finie: une grande fête a été préparée. Des centaines d'adultes et d'enfants se retrouvent donc le soir. Des spécialités culinaires du monde, où les fumets des Balkans se mêlent aux saveurs du Rwanda, ont été préparées par des habitants du quartier. Après une remise des prix surchauffée et mémorable (Helena, Jesica, Damaris et Milène sont les gagnantes), les spectacles de musique, danse et clowns se succèdent.

A minuit, une vingtaine de volontaires, épuisés mais contents, nettoient et rangent la salle: Ethnopoly est fini, mais on parle déjà de la deuxième manche.

Ce grand événement pour le quartier a demandé une année de préparation et de ténacité. Les enseignants des écoles se sont impliqués à fond pour préparer le jeu et les enfants, les animateurs de la maison de quartier ont bossé 28 heures par jour, l'association des parents (APECA) s'est jetée de plein ans l'aventure et 60 volontaires dont beaucoup de jeunes et quelques grands parents se sont engagés avec enthousiasme toute la journée du vendredi.

Le projet a reçu aussi un fort soutien du groupement des associations de parents d'élèves du canton (GAPP), et des coups de pouce matériels ou financiers de la Commune de Vernier, du Canton et de la Confédération. De multiples liens entre associations et habitants, enseignants et parents, se sont tissés pendant la longue préparation d'Ethnopoly. Bien sûr que tous les problèmes d'un quartier et d'écoles ne se règlent pas avec un jeu. Le défi maintenant est de trouver comment élargir et approfondir la dynamique lancée.

Ce grand événement pour le quartier n'a pas intéressé les grands médias audiovisuels, pourtant avertis à l'avance. Aurait-il fallu prévoir un fait divers piquant digne de leur intérêt?

Olivier Berthoud

publié dans le Courrier le 6 juin 2007